4.27.2009

L'Artiste bohême

Ce n'est pas être raciste que de dire que le mec de la semaine, l'artiste bohème, est juif ashkénaze, aux yeux clairs et à l'âme torturée, ou encore Perse oublié, ou Arménien rescapé. Il revient de loin, se cherchant depuis un passé sans commencement. L'artiste bohème a une histoire de famille dense, et touche à tout: les femmes, et la guitare, et le piano. Puis il est très cultivé. Et il le sait.
Si l'on en croit le syndrome BHL, sa culture ne l'empêche pas d'apprécier des petites connes: pourquoi pas en levrette dans l'atelier de peinture à l'huile. Quand il est de passage à Paris. Car il a fini les Beaux-Arts, revient de Pologne, part quelques mois à Berlin, renoue avec le Yiddish, ou apprend le russe, Dostoïevski oblige.
C'est fou comme il ressemble à l'image que l'on a de lui: l'artiste bohème habite vers Montmartre, juste en dessous, là où étaient les nègres de jazz et tous les clubs, ne range pas son appartement, ne s'en complexe pas (son bordel, c'est lui, au naturel), a de la barbe (un peu), des vinyles partout, des cassettes vidéo (oui!) et quelques dvd. S'il parle d'Hitchcock, ce n'est pas de ses films, mais de ses entretiens, d'Hitchcock par Hitchcock, et il peut bien sûr le citer mot pour mot.
Il est trop fort. Il peut caser en une pirouette discursive, tel un miracle, le top five des écrivains, non pas de cette rentrée littéraire, mais de ce siècle. Si. Même s'il en est resté au XXè, évidemment.
Au fil de ses mots, le risque est de rougir, et si vous vous croyez malins parce que vous avez lu le premier Zola, ou fier d'avoir décider de lire enfin toute La Recherche, l'illusion s'efface doucement lorsqu'il enchaîne gentiment, pourquoi pas? sur Gombrovicz... (Qui est dans son top 5, et qui est, avec Michaux, l'"un des furieux". Ceci est son avis personnel.) Ignorants que nous sommes, on l'écoute alors jusqu'à la nausée, s'extasier sur les notes de Stravinski (ce "bad boy"), et déblatérer encore sur tous ces gens, comme s'il nous parlait en fait de ses copains...

Vous croyez que vous étiez cultivé(e)? Faites l'imbécile, souriez, et laissez-vous rapidement peloter les seins par cet écorché vif, qui vit pressé, qui vit nerveux, la tête dans ses projets, et les mains à la pâte.
Vous vous sentez misérable?
Il a beau dire, et que cette revue d'art est pédante et nulle, et citer tous les obscurs écrivains balkanais, ne vous laissez pas avoir: constatez. Ouvrez les yeux. Il a beau dire "Dieu c'est la faculté de débattre", résumer Nietzsche et avoir fait le tour de Heidegger, ou encore faire de la musique, ce n'est que poudre aux yeux et du bruit expérimental pourri. Le vin qu'il s'envoie dans son alcoolisme romantique, c'est de la piquette; et les toiles qui jonchent le sol, pour son "travail sur la matière", non seulement c'est moche, mais c'est transcendé en classe d'arts plastiques par n'importe quel petit curieux de quatrième.
Et, entre nous, ce serait vache de dire que s'il crée comme il baise, sa carrière ne sera que de courte durée. Contentons-nous de penser que pour un créateur, il étouffe sous les influences.